Yao Metsoko – La danse des dieux
L’AdaDa présente
Yao Metsoko
La danse des dieux
De toutes les formes d’expressions artistiques, il me semble que la danse est l’élan le plus expressif par lequel l’âme peut entièrement se manifester avec force et allure, grâce et beauté. La danse est d’abord vibration et mouvement du corps à la conquête de soi et de l’espace. De ses postures improbables, de ses courbes sinusoïdales et parfois de ses rythmes endiablés, la danse nous dit la joie ou les peines, la vie ou la mort, l’ancrage ou la volonté de s’arracher des pesanteurs.
« Un proverbe Ewé dit en substance qu’au retour du champ, quand vous tombez sur une danse, prenez le temps d’observer les pas des danseurs pour deviner ce que les gens dansent. Car ils peuvent danser la joie ou la peine ? Un décès ou une bonne chasse. Ceci ne se lira pas exclusivement sur le visage des gens. Leurs pas peuvent révéler beaucoup et vous aider après observation à danser avec eux une naissance » Rogo Koffi Fiangor
« … Mais ce faisant, il ordonne tout ce concret vers la lumière de l’esprit. C’est dans la mesure où il s’incarne dans la sensualité que le rythme illumine l’esprit. » Léopold Sédar Senghor
Ici, « la danse des dieux » traduit l’esthétique du mouvement dans l’espace et ouvre des perspectives à son rayonnement. De ce fait cette thématique de « la danse des dieux » consacre les liens subtils entre le visible et l’invisible, le sacré et le profane en montrant d’une écriture insolente une quête d’harmonie entre les choses les êtres et les esprits.
Exposition du 26 mars au 4 avril 2015, du lundi au vendredi de 13h à 19h, samedi et dimanche de 10h à 16h.
Vernissage samedi 28 mars à partir de 18h
Brunch-concert dimanche 29 mars à partir de 12h, en partenariat avec le Festival Panorama des Cinémas du Maghreb et du Moyen Orient et dans le cadre de la Quinzaine antiraciste et solidaire. Restauration avec participation aux frais.
Pour fêter les dix ans du festival Panorama, Indigènes films et l’AdaDa vous proposent de vous retrouver autour d’un brunch en musique, avec Saïd Mesnaoui (Hajhouj, percussions et voix) et Olivier Le Bihan (guitare).
La musique de Saïd Mesnaoui est avant tout une ouverture sur le monde. C’est ainsi qu’il tente sans cesse de jeter des ponts que ce soit entre des musiciens québécois, français ou d’ailleurs, que ce soit à travers les diverses influences musicales. Son rôle en tant qu’artiste est de transmettre des messages de paix, de joie et d’espoir, la musique est donc son medium de partage et d’échanges entre les cultures. Le jeu sonore comporte une ligne mélodique par l’apport du sax, violon, flûte, luth, guitare, basse, instruments qui confèrent à la musique soit un son oriental ou occidental. Les percussions tablas, derbouka, bendir, qraqeb propulsent le rythme hypnotique de la transe et procurent ainsi énergie et joie. Saïd Mesnaoui
A la rencontre du peuple Akposso, venu d’Egypte jusqu’au Togo, ce brunch sera un moment de partage des cultures.
Panorama des cinémas du Maghreb et du Moyen Orient
Yao Metsoko, La danse des dieux
Comment as-tu construit ton exposition ?
Je tenais depuis très longtemps à travailler sur la danse, en l’occurrence la danse des dieux, c’est à dire des êtres exceptionnels, ou alors des univers qui nous fascinent, qui nous portent, avec lesquels je voulais vraiment dialoguer. Il y a donc certains éléments, comme des anachorètes, des oiseaux, des êtres mi-humains, mi-dieux, mi-animaux, que j’ai essayé d’articuler. Ce sont ces êtres qui évoluent dans l’espace parce que la question de la danse c’est la question de la maîtrise aussi du corps, du mouvement, et c’est surtout ça que j’ai voulu mettre en relief dans cet espace de l’AdaDa.
Quel rapport fais-tu entre l’animalité et la danse ?
Je pense que la danse est quelque chose qui relie fondamentalement tous les êtres, des êtres les plus primitifs aux êtres les plus élaborés voire les esprits, parce que le mouvement est au cœur de la dynamique de la danse. Que ce soit pour les animaux, pour les êtres humains ou les esprits, il me semble que la danse est ce qui permet à tous ces éléments de mieux se manifester, de mieux se mouvoir et de mieux exister. D’ailleurs, la première chose qu’un enfant fait quand il naît, c’est de se tortiller, de se mouvoir, c’est le premier signe, avant même que de crier. Il y a un mouvement, et pour moi ce mouvement imprime déjà le rythme de la vie.
Même les animaux, pour séduire leurs congénères impriment des mouvements de danse, des pas, des mouvements du corps. Même les Hommes pour séduire leurs partenaires réalisent des postures dans l’espace, pour attirer, pour impressionner, pour séduire. Et puis surtout, à chaque fois que l’on célèbre soit la vie soit la mort, on a tendance à imprimer un rythme au corps : ce rythme effectivement, traduit les émotions les plus dures et les élans les plus beaux.
Quand il s’agit de la danse, je ne fais pas trop de différence entre les animaux et les êtres humains. Pour moi tout ça se tient. Pour moi, les animaux comme les êtres humains ont cette capacité à montrer la beauté du mouvement, la beauté du geste, la beauté des formes, que j’essaie de dessiner au mieux dans mon travail. C’est pour ça que l’on retrouve parfois des êtres humains qui ont des têtes d’animaux, parce que il me semble que, pour que les êtres humains puissent se manifester au maximum et libérer l’esprit qui est en eux, ils ont besoin de se dépasser mais en même temps de se retrouver profondément. Et puisque nous sommes aussi issus quelque part de ces animaux, nous devons faire corps à un moment donné avec nos instincts les plus profonds et en même temps notre intelligence. Tout ça se tient et c’est ça qui fait que l’âme peut se libérer, en tout cas c’est ce que je pense.
C’est ce qui se retrouve dans le rituel de la danse des dieux, de voir qu’il y a une unité entre les choses, les êtres, les esprits, dès lors que la vie s’exprime. C’est une célébration de la vie, parce que le mouvement c’est la vie et que ce soient les végétaux, les animaux, les humains, on s’aperçoit qu’à chaque fois qu’il y a le mouvement, c’est que, quelque part, il y a la preuve d’une vitalité de quelque chose de vivant.
D’où la difficulté pour toi de figer sur une toile cette vitalité ?
C’est vrai que la toile est quelque chose qui semble figé, mais à l’intérieur il y a une dynamique qui, à chaque fois, doit être renouvelée, à travers des formes en mutation permanente. La question du mouvement est très importante : même quand on regarde des œuvres qui semblent statiques, il y a à l’intérieur la volonté de montrer qu’il y a quelque chose qui n’est pas statique. Ce sont des postures, des traits, des lignes, des formes, qui se dessinent, qui tournent, qui s’entrecroisent, qui montrent vraiment qu’il y a quelque chose qui bouge. Quelque chose qui n’est pas fermé, qui n’est pas arrêté mais qui est en gestation permanente.
Est-ce que tu as une symbolique des couleurs ?
Dans cette célébration je crois que toutes les couleurs peuvent à un moment donné fonctionner ensemble. Parce que chaque couleur pour moi représente un esprit quelque part. Le rouge qui est l’esprit de vie, le bleu qui est l’étendue, qui montre l’éternité, le jaune qui est plutôt la lumière, la vitalité, la sagesse… Chaque couleur est une représentation d’une force, d’une puissance. Et après j’essaie de faire en sorte qu’elles puissent dialoguer avec les autres. C’est la raison pour laquelle les contrastes sont souvent ponctués, c’est la raison pour laquelle j’essaie d’aller chercher des couleurs qui sont parfois un peu improbables, de trouver des nuances qui ne sont pas forcément déjà arrêtées, mais de faire des combinaisons pour qu’il puisse y avoir une fête, joyeuse, et qui élargit un peu les gammes de cette fête.
Ma lecture des couleurs me vient de ce que j’ai pu apprendre un peu partout, pas exclusivement de la culture de la peinture, ou de la culture africaine, ni de l’Occident. Elle me vient de ma culture livresque, de ce que j’ai entendu de chez moi, des histoires, des mythologies… C’est aux confluents de tous ces éléments que je me suis fait une écriture et une lecture personnelles, mais empruntées de tout ça. C’est une synthèse de tout ce que j’ai pu accumuler ici et là et j’essaie de trouver une ligne qui me parle le mieux et que je ressens le mieux. C’est souvent ce qui fait mes combinaisons : je peux emprunter quelque chose de la culture africaine mais qui est complètement revisité et transformé et qui serait peut-être difficile à comprendre par les africains eux-mêmes, alors que je m’appuie sur eux. Je peux emprunter des lignes, des formes de la culture occidentale, sur la rigueur des lignes, et qui va dérouter les occidentaux parce que tout d’un coup ils ne comprennent pas.
J’essaie de m’appuyer sur des formes et de les détourner et d’offrir quelque chose de tout à fait nouveau au niveau de l’écriture dans une espèce de no man’s land et qui correspond le mieux à ma vision des choses. Nous sommes la somme de toutes nos expériences ici et là, mais il est important de faire une synthèse personnelle et c’est ainsi que j’ai cette lecture personnelle, qui n’est pas absolue, mais pour moi qui a une résonance.
27 mars 2015. Propos recueillis par Anne Dessertine