Dijana Melvan et Yu Zhao – Common Energy
L’AdaDa présente
Dijana Melvan et Yu Zhao
COMMON ENERGY
Exposition composée de peintures gestuelles, d’installations, d’images, de sons, d’expressions et de réflexions autour du chi (souffle vital)*. Elle est conçue par Dijana Melvan venue de Croatie et Yu Zhao venue de Chine.
Les trajectoires décrites par la main, visualisées et formées dans la matière, sont des flux d’énergie qui nous imprègnent et relient en une unité commune.
*Le Chi (qi) est une notion essentielle des cultures chinoise et japonaise. Elle désigne un principe fondamental formant et animant l’univers et la vie.
Exposition du 6 au 23 novembre 2014, du mardi au samedi de 15h à 20h, le dimanche de 10h à 15h. Fermeture exceptionnelle le mardi 11 novembre à 17h.
Vernissage le jeudi 6 novembre 2014 de 18h à 22h
Soirée de fin de l’exposition samedi 22 novembre 2014 à partir de 19h
Avec, à 20h, une intervention poétique, L’Enclume des Forces, un texte d’Antonin Artaud dit par Yves Adler
Dijana Melvan et Yu Zhao, COMMON ENERGY
Quelle est l’énergie qui traverse votre travail personnel et qui circule entre vous ?
YZ Mes thématiques tournent autour du paysage. Pour cette exposition, je me suis inspirée de la mer, de l’océan. La plupart des peintures peuvent laisser imaginer que ce sont des vagues, elles donnent la sensation de l’eau et des mouvements, des rythmes. Je pense beaucoup au dessin de Hokusai avec la fameuse vague, et cette image m’inspire beaucoup. Dijana un jour m’a raconté l’histoire d’une vague, qui monte, puis voit la mer et lui demande Qui es tu ? La mer ne dit rien, et quand la vague tombe dans la mer, elle trouve la réponse. C’est une belle image, à la fois de l’énergie commune entre nous deux, et aussi de celle qui nous relie tous à l’univers, à l’origine. Pour moi, c’est l’idée de la mer. Parce que quand je dis que ce sont des vagues, ce sont aussi des montagnes, des paysages. On peut tout voir. Le motif est un point de départ, après ça reste dans l’abstrait, ça reste ouvert.
J’utilise la peinture à l’œuf (tempera), c’est la technique des icônes du Moyen Age. Je voulais combiner la technique occidentale et la peinture chinoise, pour obtenir des couleurs plus vives, tout en conservant les dégradés de la peinture chinoise, l’improvisation, les gestes calligraphiques, mais sur un support plus rigide. Je fais une sorte d’impression, d’empreinte des couleurs. C’est aussi ce que je cherche, une peinture sans la trace des mains, sans le côté artificiel du trait du pinceau. Donc ça donne des formes très inattendues, dessinées par la nature elle-même. Par les empreintes. La peinture, l’art de l’improvisation sont vraiment un travail avec la nature, les forces naturelles : l’eau, les mouvements de la matière, du papier. Il faut beaucoup écouter, observer, et agir à temps, sans se donner d’idée trop figée. En fait, il faut toujours jouer avec ce qu’il se passe. Et là, on peut rentrer dans ce fluide de l’énergie qui se communique.
Les quatre photographies qui sont là sont notre œuvre commune. Il s’agit de mon plan de travail, sur lequel j’ai mis des couleurs, fait des empreintes, et que Dijana est venue photographier, cadrer. C’est intéressant parce que ça donne un autre regard et une autre possibilité. C’est enrichissant de voir que son travail peut se présenter sous une autre forme. Il y a des échos. Je trouve que l’on classe trop les gens ; par exemple Dijana vient de Croatie, moi je suis chinoise, tout de suite on nous met dans des cases, alors que l’art est vraiment ce qui permet de sortir des limites. Je ne vois pas Dijana comme une artiste occidentale ou croate, je vois quelque chose dont l’esprit est proche de ce que je sens. Je vois son travail dans l’atelier et c’est de cette manière indirecte que nous communiquons le plus.
DM Je pense l’énergie comme une énergie cosmique, l’énergie universelle, qu’on appelle dans le monde asiatique, surtout chinois et japonais, chi, souffle vital ou énergie vitale qui traverse toute l’existence et la matière et donc, quelque part, réunit tout. Chez moi, elle prend forme dans trois directions : une recherche de son aspect dans la lumière, une pratique du tai chi et aussi une recherche des différentes formes sculpturales en terre cuite. La terre cuite est, par nature, vide à l’intérieur. Et ce vide est pour moi une métaphore : quelque chose qui peut contenir, quelque chose qui peut se vider pour se remplir à nouveau, donc un éternel échange, ce qui est un rappel de cette même énergie. Chez Yu, cette énergie est aussi dans tous ces éléments de base, qui se mélangent et produisent l’effet de la planète à sa création. Il y a aussi quelque chose de gestuel où nous cherchons cette influence de l’autre au travers de notre corps.
Ce qui m’intéresse, c’est d’aller dans une direction immatérielle. On a, si on s’éloigne un peu dans l’espace, dans cette immensité qui nous entoure, dont on a très peu de connaissances et d’où nous-mêmes venons, la vie, les germes de vie et peut-être aussi la connaissance. C‘est mon point de vue, je ne pense pas qu’on invente les choses. Je suis cette idée philosophique qui nous rappelle que nous pouvons ouvrir nos canaux à notre conscience et que cette circulation nous emmène vers des trouvailles dans différents domaines. Je sacrifie maintenant beaucoup de ma propre énergie pour suivre cette énergie. J’essaie de la capter et de parler de ce que j’ai trouvé, j’essaie d’offrir cela à ceux qui sont sur le même chemin de questionnement ou de recherche. Je crois qu’il y a quelque chose qui nous lie tous, et je trouve que c’est extrêmement important de s’en rappeler, parce qu’on s’influence tout le temps de toute façon. Il y a une énergie qui bouge autour de nous, on le ressent de la part des autres et nous aussi sommes tout le temps dans cette émanation, que l’on en soit conscient ou pas.
Toutes les recherches lumineuses que je mène sont aussi ce rappel. Quelque chose commence, bouge, comme une naissance qui pourrait prendre toutes les formes. Si j’ai décidé de mettre ce monde en noir et blanc, c’est plutôt pour indiquer un moment de repos face à tout ce qui nous bouscule dans la vie. C’est le moment de respiration que je cherche dans le noir et blanc, de ressource, d’essentiel, à partir duquel on peut à nouveau se lancer dans les choses de la vie. Ce noir est celui de la naissance de tout, un noir qui pour moi est chaleureux, plus que le blanc quelque part. J’ai besoin de cette forme d’obscurité ou de totalité, de laquelle, avec cette notion de blanc, de lumière dans le noir, de fil, commence la notion de la vie. Et ce souffle de la vie est une vibration de départ, visuelle, sonore, perceptible par les sens, que l’on capte. Pour cela j’ai besoin d’abstraction, d’aller vers ces choses essentielles dans cette immensité du vide qui nous perturbe. Quand on n’a plus rien sur quoi s’appuyer, se positionner, une extrême confiance est nécessaire, confiance en ce quelque chose qui nous dépasse, mais qui naît toujours, sans nous, avec nous.
19 novembre 2014, propos recueillis par Anne Dessertine